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Mr Punch

Dave McKean, 1963 (Royaume-Uni)
Album : Londres, V.G. Graphics, 1994. Technique mixte, collages, texte collé sur film transparent.
Propriété de l'auteur. © Dave McKean
Orion books ISBN 0 575 05318 6 (UK)

Attention: chef-d'œuvre. Evidemment, la pauvre bande dessinée ayant toujours du mal à se faire reconnaître comme le "neuvième art" que ses admirateurs voient en elle, les auteurs - c'est le seul reproche que je leur ferais - préfèrent parler ici d'un "roman graphique". On a bien eu jadis la "littérature d'expression graphique", ou la "figuration narrative": passons, nobody's perfect. Pour le reste, c'est superbe. Superbe, et pas gai, même si, au fond, la leçon finale de cette autobiographie enfantine de Neil Gaiman, plus ou moins romancée, n'est nullement pessimiste.L'histoire est écrite du point de vue d'un enfant qui n'aurait jamais vraiment grandi, hanté par des "terreurs enfantines": les pires, les fondamentales, les inoubliables. Elles tournent autour des marionnettes traditionnelles de la culture anglaise, Punch et Judy, ignorées des Français et oubliées des Anglais d'aujourd'hui. Il faut dire que les adultes en chair et en os qui gravitent autour d'elles ne sont guère moins effrayants. Figures mystérieuses, ambiguës, redoutables et fragiles à la fois. Oui, le récit est troublant, mais ce qui saute aux yeux, c'est l'image. Parce que c'est de l'image intégrale, c'est-à-dire un mélange presque indistinct de dessin et de photographie, dans d'égales tonalités crépusculaires. Gaiman a du talent, mais McKean nous introduit dans un monde sans équivalent, proche du cauchemar somptueux. Va pour le cauchemar, pourvu qu'il soit somptueux.

Chez Dave McKean, l'image est toujours à la fois une image mentale chargée d'émotions et de réminiscences, et une mise en question des codes mêmes de la représentation. Ce travail aboutit à une transgression des dogmes qui gouvernent ordinairement la bande dessinée : lisibilité du graphisme, étanchéité des images, homogénéité du style, etc..

 



Signal to noise


Scénario:Neil GaimanDessin:Dave McKeanEditeur: Dark Horse ComicsPublication : 1992Format:A4, 80 pages, papier glacé, en Anglais, prix de 14,95$US
ISBN 0 575 05284 8 (UK)

Signal to Noise nous raconte l'histoire d'un cinéaste talentueux apprenant sa mort inévitable dans les mois à venir à cause d'un cancer contre lequel il ne veut pas lutter. Il avait alors en tête un projet de film, un film magnifique d'une population craignant la fin du monde en l'an mil. Son film se présente extrêmement bien et Inaana, sa collaboratrice veut qu'il se remette à écrire mais il sait qu'il n'en aura pas le temps, qu'il mourra avant même de pouvoir le tourner. C'est ainsi qu'il réalisera entièrement son film dans sa propre imagination, pour lui seul. Tout l'album devient alors l'évolution parallèle de ce monde qui finit en l'an mil et de sa propre vie qui finit ("The world is always ending for someone").


Dave McKean et Neil Gaiman ont donné à la bande dessinée une autre signification à travers leurs oeuvres, Neil Gaiman par sa noirceur et son intelligence et Dave McKean par son trait et ses essais incroyable(et une intelligence remarquable à voir dans Cages). Signal to noise est une de ces oeuvres dont on ressort changé, elle nous apporte une nouvelle vision du monde. Certes, le contenu est moins divertissant que bon nombre de BD mais L'histoire est si belle, si bien tournée. L'harmonie des dessins de McKean avec les textes de Gaiman est toujours aussi impressionnante, une sorte de symbiose de 70 pages qui nous plonge dans un monde dont on sait qu'il va disparaître et au bout duquel la survivance apparaît grâce à l'impossibilité de la fin pour les uns et un manuscrit pour l'autre.

Une oeuvre difficile d'accès et peu réjouissante mais elle ouvre de nouveaux horizons au lecteur. Un chef d'oeuvre en matière de nouvelle génération de conte philosophique et artistique.

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